Comment je me suis retrouvée ici sur Ixchel ? Le plus simplement du monde, j'y ai suivi mon petit frère. Quelle sœur aurai-je donc été si je l'avais laissé partir en territoire inconnu, seul, et sans aucun soutien ? Non, ce n'était ni dans mes habitudes ni dans mon caractère. Sans compter qu'il venait de faire le choix de préférer la milice à la place prisée de Prêtre Soldat que Père avait occupée avant lui. Mais soit. Puisque c'était là ce que désirait Laùiiish, alors ainsi soit-il.

Je suis née sur Worat, d'une mère Prêtresse et d'un père Prêtre-Soldat, famille des plus croyantes comme vous pouvez vous en douter même si à la vérité, tout Xon digne de ce nom voue un culte mérité à la Déesse. J'eus une enfance heureuse et lorsque j'eus trois ans, Laùiiish bénit une nouvelle fois ma famille en lui accordant un second enfant. Pour qui connait un tant soit peu le peuple Xone, vous savez très point à quel point avoir un enfant est difficile par conséquent, une famille dotée de deux enfants avait forcément été remarquée par la Déesse. Et très jeune, j'en obtenais confirmation en me sentant irrémédiablement attirée par les temples et la vénération de celle qui m'avait donné un petit frère. Jamais Ô grand jamais je n'oubliais une prière, comme tant d'enfants à l'esprit étourdis peuvent le faire et je participais à chaque cérémonie, secondant ma mère du mieux possible. Ce qui me valut rapidement d'être remarquée par le corps religieux. C'est donc avec plaisir et une fierté toute naturelle que j'entrais dans les ordres après le Rimet. Je n'avais jamais été une enfant stressée ou énervée comme pouvait parfois l'être Eraël mais j'étais fascinée par le calme des temples. Rapidement, je trouvais ma vocation en tant que Prêtresse Avani, chargée de soigner ceux qui en avaient besoin, de la préparation à l'utilisation du remède. Ayant toujours aimé les plantes et les gens, cela m'était apparu tout naturellement. De plus, j'avais eu maintes fois l'occasion de m'exercer en ce domaine car, chose que devaient ignorer une bonne partie des miens : les petits frères ne tiennent pas en place.

Les années succédèrent et je passais mon Engagement, mon Apprentissage et ma Maîtrise que j'obtenais l'année de mes 27 ans et qui me permis de me spécialiser dans le domaine que j'avais toujours choisi. Je devins donc Prêtresse Avani et apprenais à confectionner moult baumes que je testais sur Eraël qui avait toujours quelque chose à faire soigner. J'appris aussi à préparer l'Horti, une plante aquatique qui, une fois préparée, séchée et broyée en une fine poudre noire, peut permettre d'entrer en communion avec Laùiiish, ainsi que servir à la préparation de remèdes très puissants. Certes, d'aucuns diraient qu'il ne s'agit là que d'une herbe médicinale dépassée mais ceux-là ne peuvent comprendre que la droiture exige de ne jamais chercher à refaire ce que Laùiiish a créé.

L'année de mes 31 ans, mon frère fit une annonce qui bouscula les esprits des miens et qui allait faire basculer toute mon existence : Il décida de rejoindre l'académie d'Andraste. Si ni mes parents ni moi même ne comprîmes le pourquoi de cette décision, nous l'acceptâmes avec simplicité. Laùiiish nous avait donné Earël pour une raison précise et si cette raison se trouvait sur Ixchel, alors nous n'avions aucune raison de nous y opposer. Cette séparation serait une déchirure, essentiellement pour moi qui avait toujours été très proche de mon petit frère et qui ne pouvais m'empêcher de m'inquiéter de ses moindres faits et gestes, mais je m'y pliais de bonne grâce puisque c'était là la volonté de la Déesse. Ce n'est que quelques semaines après cette annonce que j'eus ma révélation. Lors d'une cérémonie des plus communes, je compris le message de Laùiiish. Je ne pouvais le laisser partir seul vers l'inconnu. Je ne pouvais le laisser seul, en proie aux doutes, dans cette partie si reculée de l'univers, sur cette planète où même certains Xons -qui ne méritaient plus ce titre en vérité- perdaient la foi. Non, mon frère ne deviendrait pas l'un d'eux. Je fis une demande de transfert pour le temple de l'Esha, demande qui fut accepté rapidement bien qu'elle en surpris plus d'un. Personne ne désirait s'installer dans cette ville. Personne jamais n'aurait quitté la magnifique Worat pour Andraste. C'était comme quitter le Paradis pour l'Enfer. Mais je savais que c'était là ce que Laùiiish attendait de moi. Et le fait qu'aucun obstacle ne vienne empêcher ce voyage le confirmait.

Nous quittâmes donc Worat ensemble, mon frère et moi et si la logique voulu que j'appréhende ce trajet, il n'en fut rien. J'avais confiance en la Déesse. Quand j'arrivais sur Ixchel, je découvrais un monde aux antipodes de celui que je connaissais et Andraste fut la cerise sur le gâteau. Toutes les races étaient mélangées et se cotoyaient sans soucis apparent, les différents styles d'architectures se fondaient les un dans les autres, résultant un parfait fouillis qui semblait convenir à tous... Le monde tel que la Grand Cour l'avait toujours vu. Un monde où chacun aurait sa place. Place attitrée évidemment, mais à partir du moment où l'on se pliait aux règles, cette place n'était pas si difficile à obtenir... Bien sûr, cette façade n'avait pas grand chose à voir avec la réalité et il y avait encore beaucoup de travail pour faire de ce monde celui de Laùiiish mais je relevais le défi. Je rendrais la foi à ceux qui la méritaient. Je me séparais de mon frère devant les portes du temple de l'Esha et y entrais pour la première fois d'une longue série. Quand j'eus cinquante hivers, je passais l'Intronisation avec la bénédiction de la Déesse et des miens. Ce choix n'étonna personne car j'avais eu le temps de me faire connaître par les fidèles du coin comme des autres, tous ces gens qui faisaient qu'en ce jour, je choisissais de m'établir un peu plus longuement encore sur Andraste et cette fois, pas uniquement pour mon petit frère...